lundi 8 septembre 2008

1/09/ 68 Kafr El-Cheikh, Égypte — 11/09/ 2001 New York


Il est venu à nous mi-méfiant ; mi-souriant.
Gorgé des splendeurs passées de son pays, de ses senteurs, de son Dieu.
La grâce lui avait donné l'aisance au cœur d'un pays de misère. Et il a pu s'épanouir à son dru soleil, fier de ce qu'il était, de son intelligence, de sa culture.

Il est venu à nous pour apprendre et savoir.
Savoir faire vivre les hommes ensemble, à l'abri de la torpeur solaire, à la suite de leur ancêtres.
L'arrogance de nos villes debout lui était sans doute une offense. La rectitude de nos rues lui semblait menacer les méandres des siennes. Ce n'était pourtant pas si grave.

Et pour donner un avenir à ses villes, il est venu étudier les nôtres.
Déjà, en creux il projetait de mettre au service de l'Orient les méthodes de l'Occident.
Mais pas comme ça, mais pas comme ça.

Il est venu à nous comme un simple étudiant étranger.
Année après année il nous a vu vivre.
Il a vu nos enfants jouer dans les parcs, courir au cou de leurs parents.
Il a vu les amoureux s'enlacer et les vieux mourir.
Il a vu le cours de la Vie beau, fulgurant, ample et triste. Ici comme là-bas, là comme ailleurs.
Il a vu notre opulence et notre confort aussi insatiable que notre désir d'objets nouveaux.

Il est venu à nous, se perdre en factures à régler, amis à aimer, dossiers à remplir, voies de nos vies à trouver dans ce grand supermarché.
Il a vu nos beautés et nos laideurs par ses yeux, par sa peau. Il n'était pas question d'écran de télévision entre nous.
Il a donné des tapes amicales, sourit aux caissières, aux passants. Il a parlé de la pluie et du beau temps, salué des connaissances, connu nos hivers bleu-neige.
Mais face à nous, l'exilé a eu besoin de réaffirmer son identité.

Il est venu à nous et son cœur s'est serré à hurler, son esprit s'est révolté.

Il est venu à nous.
Il a vécu avec nous.

Et il n'a pas eu pitié de nous.

Il a armé son bras d'un sombre sang et il s'en est allé à la rencontre de son grand Bouddha noir.
Ce grand prince orgueilleux, qui, à la sortie de son palais, s'est épris de haine pour quelques uns en lieu et place de s'embraser de compassion envers chacun.

Et il n'a pas eu pitié de nous.

A rebours des batisseurs de cathédrales, ils ont décidé d'abattre les nôtres, phallus dressés à la face du monde.

Alors, il est revenu à nous, enfermé dans son dessein, tout entier devenu un fort intérieur.
De nouveau il s'est fondu dans la masse occidentale, rasé de près et sans sourire pour les femmes.
Il nous a encore regarder vivre.

Et il n'a pas eu pitié de nous.

Durant toutes ces nouvelles années, il a su ne pas exploser de haine, malgré l'ignoble contact de nos corps, de nos coutumes.

De quelle force de volonté doit faire preuve le bourreau vivant au milieu de ses victime ! 
Mais pour son Grand projet il a su rendre sa haine aussi froide que terrible. Comme le métal d'une épée.
Il a su vivre avec l'absolue puissance de celui qui détient le pouvoir du détonateur, de vie de mort. Et il l'a gardé tapis en lui non des heures ou des semaines mais des années, ce terrible sentiment d'ivresse fuselée à dompter.
Puis sa vie s'est transformée en roman d'espionnage, il est devenu lui même secret au service du Secret.

Et plus jamais il n'a eu pitié de nous.

Ne plus penser. Agir.

Et au moment de mourir, pour tout hommage au monde occidental, il a fait fi de tous ces préceptes, et a bu trois vodkas pour se donner du courage. Il avait un sale boulot à faire. Tuer et mourir dans le plus beau des cauchemars hollywoodiens.









dimanche 7 septembre 2008

Blade runner II



Ce titre valait bien une explication.

Blade Runner




Que nous dit le temps passé, la vie telle quelle a été et telle quelle n'est plus?
Que nous dit cette époque close sur elle même?

Et à partir de quand a telle été close, contemporaine et pourtant loin de nous ?

A partir de quand le passé cesse d'être à ce point vivace qu'il devient une simple feuille d'archive ?

Et cette infame ruse de la force vitale qui nous fait perpetuellement croire que nous avons raison de nous sentir plus vivant que les vivants d'avant.