dimanche 20 septembre 2009

Pour qui sonne le glas ?



L’histoire commence avec l’invitation lancée par un brigadier de l’armée britannique, M. Mackay, à Robert Wilson de photographier ses soldats de la 52 eme Brigade en Afghanistan.

Non en tant que photo-journaliste ou reporter de guerre, mais comme «war artist».

Le mot, déjà, dit tout du travail à venir.

Et les images qu’il nous rapporte sonnent le glas de la guerre moderne, le glas de la guerre ancienne.


L’avenir appartient à la guérilla, et à la contre-guérilla.


Par son esthétique publicitaire appliquée à la guerre, R. Wilson ne se contente pas de renouveler le débat sur l’esthétisation des conflits, de la pauvreté et de tout événement condamnable moralement mais rendu beau par la photographie.


Non.


Ses photos sont si belles, si clinquantes, qu’elles annihilent la guerre elle-même. Tout comme les traces vertes dans le ciel ont pu masquer la réalité de la première guerre d’Irak.


Le symbole en est ce filin de camouflage qui devient par le truchement du regard du photographe une oeuvre abstraite.


Pourtant, ces photos-là derrière leur aspect bing bling, et les regards des soldats rendus translucides, nous disent aussi quelque chose sur notre sensibilité à nous.

Une sensibilité fondée désormais sur l’imagerie usuelle de la guerre et non sur sa réalité. De référence au réel, il n’en est apparemment plus question et depuis bien longtemps.


Ces clichés de soldats, de campements, de lieux, de locaux, de palissades, de paysages somptueux, par leur traitement de la lumière, jamais éclatante, mais toujours écrasante nous parle aussi de la poussière qui recouvre hommes et armes.

Cette poussière, symbole de notre devenir après la mort, a envahi ce pays montagneux et âpre. Elle unie les hommes à la terre, à son âme.

Chaque soldat devient alors une part d’Afghanistan.


En regardant ces photographies, ce qui frappe également c’est que les soldats n’y font pas la guerre. Ils sont en guerre.


Etre en guerre devient un état permanent, un attribut en quelque sorte de leur vie.


Plus de combats de masses, et des morts pourtant.

.... Bienvenue dans l’ultra moderne inquiétude.

Et de ce fait le quotidien se fait tout à la fois ennui et danger.

Cet ennui qui taraude, le vide du temps qui répond à l’immensité du paysage, que R. Wilson a saisi au travers des photos de la réalité la plus ordinaire : puzzle quasi terminé, partie de cartes, soldats endormis, façon désert des tartares.


L’image nous dit l’Afghanistan est un pays de guerriers, de visages marqués, burinés, brûlés de soleil, forts et plein de lassitude. Ce coup-ci ce sont des anglais qui y sont, c’est tout, et c’est pas plus. C’est le pays qui veut cela.


De tout temps, en tout lieu tous on hérité de la violence comme inhérente à ce pays. Villageois contre villageois, tribus contre tribus, taliban, anglais russes ou américains.

Et Robert Wilson nous le vend ainsi.

Comme un agent de voyage fait l’éloge des palmiers des Bahamas, ou de l’art italien, R. Wilson nous vend l’état de guerre comme une beauté afghane.

Et face à cette violence comme issue des pierres, de la poussière et des hommes, avec notre technologie de pointe à l’abri d’infimes baraquements au fin fond d’une contrée d’immensité, on le sait déjà, cette guerre là, elle est perdue d’avance.


Ces quelques soldats de sa Majesté, par la grâce d’un artiste, reflètent tout l'Occident et son confort irréel face à l'âpreté de la réalité d’un monde minéral.

Et dire qu’il s’agit au premier abord de photos clinquantes et rien d’autres...


Mais elles disent la beauté de la poussière et du vent et la force et la violence des hommes.


Ouvrage à découvrir sur : http://www.robertjwilson.com/ ; disponible sur amazon

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