dimanche 1 février 2009

Rubrique sexo


Ils sont seuls, nus, mutuellement livrés l'un à l'Autre
Leur vêtements ne les cachent plus à leur propres regards lourds désirs.
L'âme à fleur de peau, ils vont mêler leur souffle vital en de profonds baisers.

En quelques instants, ils vont abolir le temps et l'espace pour vivre la plus simple des expériences mystiques.

Ils vont réinventer l'Amour. 

Dépouillés de leur attributs sociaux, ils vont aller jusqu'à se dépouiller d'eux mêmes dans l'abandon qui les attends. Ils vont se mêler au cosmos, devenir Roi et Reine, biche et cerf, lion et lionne.
Emporté dans l'élan amoureux, ils défendront à leur insu la beauté de la condition humaine, en cédant à l'espèce sans devenir des bêtes. Car pour notre plus grande gloire la sexualité n'est pas la reproduction.
La chair frémissante devient alors une fête, joyeux contrepoint à la chair pourrissante.

La sexualité c'est tout à la fois assumer pleinement la condition humaine et la venger.

Ni soi même ni vraiment autre, ils brisent leur solitude tout en prenant conscience de ce corps qui les enferme comme un tombeau. 
Et exprime entre eux ce qu'ils ont de plus intime.
Ces moments précieux qui bouleversent nos vies sont des instants de liberté absolue. Comme le suicide.
L'individu échappe alors au social, qui ne peut le supporter et ne cesse de tenter de le poursuivre jusque dans cette intimité.

Les interdits sociaux et religieux sont si nombreux qu'on serait bien en peine de les énumérer : du choix du partenaire, au dévoilement du corps, des positions et caresses acceptables, le social tente partout de s'immiscer.

Avec brutalité, férocité selon les lieux et le temps, mais aussi en ce qui nous concerne, occidentaux du XXI siècle, par la permissivité et la prescription.

Car face à cette liberté nue, les rubriques sexo de nos magazines ne devraient-elles pas se limiter à une description quasiment anatomique des sources du plaisirs, laissant à chacun le libre cours de son imagination pour les atteindre ? Tout au plus on pourrait ajouter quelques idées de positions.

Mais non, notre époque bavarde ne peut tolérer un tel silence face à une telle liberté.

Alors les conseils s'enchaînent, confondant souvent plaisir partagé et recette toute faite pour assouvir le plaisir de l'homme -car au fond, le but des trois quarts de ces articles n'est-il pas d'apprendre à l'homme à faire jouir sa partenaire, non pour elle, mais pour son orgueil à lui ? Quant aux prescriptions destinées aux femmes ne sont elles pas de simples reliques des filtres anciens destinés à garder par devers soi son mâle ?

Oui, quand un magazine féminin propose de tout savoir sur la fellation, on peut regretter les temps héroïques du féminisme, où il s'agissait de trouver le clitoris de sa partenaire  pour lui donner du plaisir à elle. Terrible retournement inégalitaire sous prétexte d'égalité, qui ne pourrait être valable qu'à condition que l'égalité soit pleinement acquise.

Bien sur, inutile de préciser que ces conseils s'adressent à des hétérosexuels vivant en couple dont la seule préoccupation est l'érosion du désir, comme si ce devait être d'ailleurs à la femme d'être désirable.

Mais ce qui me semble le plus gravement porter atteinte à notre liberté c'est l'idée de séquence qu'induisent ces articles comme les films pornographiques.
Car un dessin du kama-Sûtra, outre qu'il illustre une philosophie du controle de soi et non du libre cours à ses pulsions,  vous laisse seul juge du moment où l'essayer, alors que toutes nos représentations sexuelles actuelles dessinent une temporalité où chaque geste  se succèdent de manière bien trop ordonné. 

Et c'est ce chemin balisé qui me semble vraiment constituer le germe de la normalisation sexuelle, derrière une apparente liberté.
Sans oublier que nos adolescents élevés aux films X ont une première image de la sexualité très violente pour ce qui est du plaisir partagé, et que leur large diffusion les transforme là aussi en vecteur de normalisation, ce qui est des plus redoutable.

La première défense de la Liberté intérieure, c'est la défense de l'imaginaire. 

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